Madeleine de La Peltrie, « Amazone du Nouveau Monde ».

Conférence donnée par monsieur Jean Fleur, historien . Association Perche-Canada - Mortagne-au-Perche à l'occasion du congrès France Canada à Tours en 2015

Le jour de Noël 1635, quand Samuel Champlain décède à Québec – où il a fondé la première « habitation » en 1608 – les Français résidant au Canada sont alors peu nombreux, entre 150 ou 180 selon les évaluations et la plupart d’entre eux vivent à Québec. Sur ce total, on recense 21 Jésuites, qui se consacrent à la conversion des Amérindiens, 2 prêtres séculiers; parmi les autres colons, 16 viennent de Normandie et 43 du Perche.

Il s’agit là d’une « émigration pionnière » puisque, pour la période allant de 1608 à 1640, on estime à 296 les Français qui se sont installés en Nouvelle-France et Madeleine de La Peltrie figure dans ce nombre.

Cette émigration, comme celle des décennies suivantes, a pour buts essentiels de :

      • donner à la France des territoires sur un Continent où sont déjà implantés Espagnols, Portugais et Anglais;
      • développer les ressources naturelles du pays ;
      • défendre la Colonie ;
      • évangéliser les Amérindiens.

C’est dans cette dernière optique que se situe l’engagement de Madeleine de la Peltrie. Influencée par la lecture des « Relations » publiées par les Jésuites à partir de 1632, pour informer la métropole de « ce qui se passe de plus remarquable aux Missions des Pères de la Compagnie de Jésus en Nouvelle-France », elle va prendre une part active à ce qu’il est convenu d’appeler « l’épopée mystique ».

Son milieu familial et ses premières années.

Madeleine de la Peltrie est née en Normandie, le 25 mars 1603, à Alençon.

Son père, Guillaume Cochon de Vaubougon, occupe une place importante dans la cité où, détenant la charge de Président de l’Election, il dirige le Service chargé de l’Imposition aux Taxes, aux Aides et en assure le contentieux.
Le 20 février 1591, il épouse Jeanne du Bouchet de Maleffre ; le couple aura neuf enfants, dont sept garçons qui meurent prématurément.

1618 se présente pour cette famille comme une année importante. En effet :

Le 11 janvier, Guillaume Cochon de Vaubougon obtient du roi des « lettres patentes » l’autorisant à porter le nom d’une terre qu’il vient d’acquérir : le fief de Chauvigny.

Le 16 juillet, sa fille aînée, Marguerite, âgée de 18 ans, épouse le lieutenant particulier du bailli d’Alençon.

Mais, le 12 novembre, son dernier fils décède à l’âge de 25 ans. Guillaume de Chauvigny n’aplus d’héritiermâle et, pour avoir une descendance digne de son rang, il est disposé à doter généreusement sa dernière fille, Madeleine, qui va sur ses 15 ans.

Cependant, ce projet rencontre une difficulté majeure car, au sortir de l’adolescence, Madeleine se consacre aux « bonnes oeuvres » et, plutôt que de songer à la vie conjugale, elle envisage d’entrer en religion. A l’approche de ses 19 ans, sans l’avis de sa famille, elle se rend pour postuler chez les Clarisses d’Alençon, un couvent rattaché à la famille franciscaine fondé en 1498 par Marguerite de Lorraine, épouse du duc René d’Alençon ! L’intervention d’un membre du clergé est nécessaire pour lui faire comprendre que « Dieu veut qu’elle rendisse obéissance à ses parents pour quielle a toujours eu le plus grand respect ».


S’étant rangée à ces arguments, elle souhaite aller vivre au manoir voisin de Rouillé-Harenvilliers, un des domaines possédé par son père sur la paroisse de Saint-Aubin d’Appenai.


Là, elle fait connaissance d’un jeune capitaine de chevau-légers, Charles de Gruel, qui appartient à une famille d’ancienne noblesse. C’est un voisin dont la résidence habituelle est à Bivilliers chez sa grand-mère, Françoise de Buberté, au manoir de « La Peltrie », un fief dont il doit hériter.


Les deux jeunes gens se plaisent et, en 1622, une union est envisagée par les familles. Soucieux d’affirmer son rang, Guillaume de Chauvigny se montre généreux accordant à sa fille une dot de 30.000 livres et la jouissance du manoir de Rouillé-Harenvilliers. La cérémonie nuptiale a lieu à Alençon, en octobre 1622.

Madeleine de Chauvigny devient Dame de La Peltrie.

Le séjour du couple à Rouillé-Harenvilliers est bref car, peu après les noces, Françoise de Bubertré s’éteint ; Charles de Gruel entre alors en possession du manoir de La Peltrie, nom que va désormais porter Madeleine.

Elle s’adapte à sa nouvelle existence, se consacrant à des œuvres de charité, s’occupant de familles pauvres mais elle a également des amis, telles les sœurs Catinat, filles du seigneur de Mauves-sur-Huisnes, non loin de Mortagne.

Son époux, au « service du roi », est souvent absent ; en novembre 1624, il rédige un testament pour sauvegarder les intérêts de son épouse qui attend un enfant. C’est une petite fille mais elle décède peu après sa naissance. 

En 1628, la guerre oppose la France à l’Angleterre et, en juillet, Charles trouve la mort lors du siège de la Rochelle. Madeleine de La Peltrie se retrouve veuve à l’âge de 25 ans ! Après avoir organisé les funérailles de son mari, elle vit quelque temps au manoir de La Peltrie où demeure également son beau-père.

Cette cohabitation se révélant pesante, elle se rend à Mortagne, lors de l’hiver 1628-1629, pour répondre à l’invitation de son amie Louise Catinat, qui a parmi ses proches un médecin-apothicaire, Robert Giffard, originaire d’Autheuil. C’est un compagnon de Champlain ; en 1620, il a été médecin sur les vaisseaux de la « Compagnie De Caen » puis s’est installé au Canada. En 1628, il revient à Mortagne pour épouser une cousine des Catinat. En raison du conflit franco-anglais de l’époque, il repart seul et il est fait prisonnier après un engagement naval devant Tadoussac. Finalement, il est autorisé à regagner son pays natal fin 1628 et envisage d’exercer sa profession à Mortagne où, au cours des conversations, il est naturellement question du Canada !

Son retour à Alençon

Après cet intermède mortagnais, Madeleine décide de revenir à Alençon mais hors du domicile paternel car elle tient à son indépendance. A l’âge de 30 ans, afin de réfléchir à son devenir, elle se retire un certain temps chez les Visitandines de Mamers qui s’occupent de l’éducation des jeunes filles.
En Nouvelle-France, la situation évolue puisque, en mars 1632, l’Angleterre restitue le Canada à la France. C’est le retour des « pionniers » et la « Compagnie des Cent Associés » accorde, en 1634, à Robert Giffard la concession d’une vaste seigneurie à Beauport, face à Québec. Le médecin va être à l’origine de l’émigration percheronne vers la Canada.
Quant à Madeleine, après décès de sa mère en juin 1633, elle vient s’occuper de son père à Alençon où leurs voisins les plus proches sont des Jésuites qui, en 1623, ont fondé un Collège dans le quartier Saint-Léonard.
Elle choisit l’un d’entre eux comme confesseur et par son intermédiaire prend connaissance des « Relations » qui, en 1636, font appel à une « Dame de France » pour prendre en charge l’enseignement des jeunes amérindiennes. Ce projet interpelle Madeleine mais elle tombe gravement malade. Elle fait alors le vœu à Saint-Joseph, patron du Canada, qu’en cas de guérison, elle ira « porter son bien » en ces contrées lointaines. Sa santé se rétablit mais sa famille ne peut admettre un tel destin pour une jeune veuve fortunée !
Afin de trouver une issue, le confesseur de Madeleine lui suggère d’envisager un « mariage blanc » et propose comme candidat un célibataire de bonne noblesse, membre laïc du Tiers-Ordre franciscain, trésorier de France à Caen, Jean de Bernières-Louvigny, dont la famille a soutenu la fondation d’un couvent des Ursulines à Caen.
Les démarches sont en bonne voie quand le père de Madeleine décède, le 3 juin 1637. Libre, celle-ci va normalement entrer en possession de sa part d’héritage. C’est compter sans sa sœur Marguerite qui engage contre elle un procès, affirmant que Madeleine lui est redevable de sommes importantes ayant perçu une dot plus élevée que la sienne et séjourné durant plusieurs mois avec sa domesticité chez ses parents ! Un procès aboutit finalement à un partage, en avril 1638 : Madeleine conserve le domaine de Rouillé-Haranvilliers et d’autres terres, ensemble évalué à 900.000 livres.
Pour autant, les tracasseries judiciaires ne sont pas terminées car pour éviter toute « fuite de capitaux », Marguerite entreprend des démarches afin de placer Madeleine sous tutelle. L’affaire remonte jusqu’au Parlement de Rouen qui, en juillet 1638, la déclare apte à assurer le « maniement de son temporel ».
Madeleine va donc pouvoir réaliser son projet mais sa sœur ne pas renonce et envisage même de la faire enlever ! Pour échapper à cette menace, Madeleine se rend à Paris où ses démarches l’appellent. Par prudence, elle se fait appeler Madame de la Croix et sort revêtue des habits de sa dame de compagnie.
Dans la Capitale, elle reçoit le soutien actif de M. de Bernières qui se révèle un ami dévoué et lui ouvre toutes les portes. Elle rencontre ainsi le Supérieur de l’Oratoire, le fondateur des Filles de la Charité – le futur Saint-Vincent de Paul – Antoine Poncet de la Rivière, un Jésuite chargé de suivre les affaires du Canada à Paris. Par son intermédiaire elle se met en rapport avec une Ursuline de Tours, Marie Guyart de l’Incarnation qui, elle aussi, a formé le projet de se consacrer à l’enseignement des jeunes filles au Canada. Elles se rencontrent à Tours, l’archevêque du lieu donne sa « bénédiction » à leur initiative et autorise même une autre Ursuline à les accompagner, Marie Savonnières de Saint-Joseph.
Pour témoigner tout l’intérêt qu’elle porte à leur initiative, la reine de France en personne, Anne d’Autriche, reçoit les trois femmes à Saint-Germain-en Laye, en mars 1639, et le même mois, l’acte portant création de la fondation est signé au « Châstelet » de Paris. Marie Guyart de l’Incarnation est désignée comme supérieure du futur couvent à la fondation duquel Madeleine apporte une partie de ses biens. Elle s’engage aussi à garantir un revenu de 3.000 livres par an pour « instruire les petites filles sauvages de la Nouvelle-France en la connaissance de la religion catholique, apostolique et romaine, leur apprendre à lire et, si bon leur semble, à écrire ».
Pendant ce temps, un Jésuite, le père Charles Lallemand, fait discrètement affréter un navire à Dieppe, le « Saint-Joseph », pour un coût de 8.000 livres.
Le 29 mars, Madeleine, avec ses deux Ursulines et sa dame de compagnie Charlotte Barré, quitte Paris pour Dieppe où une Ursuline du diocèse de Rouen les attend, Cécile Richer.
L’embarquement a lieu le 4 mai 1639 ; sur le même vaisseau, prennent également place trois Augustines de Dieppe, envoyées par la duchesse d’Aiguillon, nièce de Richelieu, pour fonder l’Hôtel-Dieu de Québec.

Madeleine de La Peltrie, « une amazone qui a conduit et établi des Ursulines en ces derniers confins du monde »

Une traversée proche de 10 semaines les attend et, lors de la remontée du Saint-Laurent, il est nécessaire de changer d’embarcation, au niveau de Tadoussac, pour en utiliser une de plus faible tirant. En raison de vents contraires, la remontée du fleuve se fait, en partie, à la rame et les voyageuses n’arrivent sur l’île d’Orléans que le 31 juillet !
Le 1er août, le canon tonne à Québec quand le Gouverneur, M. de Montmagny, accueille sur le rivage Ursulines et Augustines qui viennent de traverser l’Atlantique pour fonder des Etablissements qui sont les premiers du genre en Amérique du Nord. Il est entouré par une centaine de colons, parmi eux se trouve Robert Giffard, futur médecin de l’Hôtel-Dieu. Des Amérindiens sont également présents.
Un acte officiel est signé pour attester la concession d’un terrain au profit des Ursulines mais c’est une terre en friche et, dans l’immédiat, la petitecommunauté s’installe dans une maison sans confort non loin du port.
Dès le lendemain, Madeleine veut entrer en contact avec les Amérindiens pour lesquels elle est venue de si loin et se rend à Saint-Joseph de Sillery où vivent quelques familles algonquines dans une « réduction » installée par les Jésuites. Mais, d’autres responsabilités sont à assumer car la « Maison » des Ursulines à Québec ne comporte que deux pièces où logent cinq personnes, sans compter bientôt une quinzaine d’élèves -dont six Amérindiennes- qui viennent en classe dans la journée ! Madeleine s’occupe des enfants mais ne montre aucun goût pour la « clôture » et elle se rend à Sillery pour la messe de Noël.
Son désir le plus cher étant d’aller vivre près des familles algonquines ou montagnaises, elle accepte, au printemps 1640, l’hospitalité offerte, non loin de Sillery, par un riche septuagénaire, Pierre de Puiseaux, qui possède une vaste concession à l’anse Saint-Michel où il a construit sa résidence. Madeleine s’y rend avec Charlotte Barré, elle se rapproche ainsi des Amérindiens et cette solution permet également de laisser de la place pour de nouvelles Ursulines venues de France.
En octobre 1640, mettant à profit le déplacement d’un Jésuite à Trois-Rivières -poste créé en 1633- Madeleine y fait un bref passage mais ne peut prolonger son séjour en raison de l’insécurité des lieux.
Au printemps 1641, elle rend visite à Marie de l’Incarnation qui a terminé les plans du futur monastère à Québec Les travaux peuvent commencer et, le 19 avril, en posant la première pierre, Madeleine devient la fondatrice de cette prestigieuse institution enseignante.
Au cours de l’été et de l’automne 1641, de nouveaux renforts -54 personnes dont 4 femmes- débarquent en Nouvelle-France pour fonder « Ville-Marie ». De quoi s’agit-il ?
La lecture des « Relations », avons nous vu, a suscité de nombreuses vocation. C’est ainsi que Jérôme Le Royer de la Dauversière, percepteur à La Flèche, crée, en 1639, la « Société Notre-Dame de Montréal » pour fonder en Nouvelle-France un établissement destiné à la conversion des Amérindiens ; le 7 août 1640, la Société acquiert l’Île de Montréal. .
A l’été 1641, un premier contingent débarque à Québec avec Jeanne Mance, une champenoise de 35 ans qui se consacre depuis sa jeunesse au service des malades. Elle demande à être présentée à Madeleine et reçoit également l’hospitalité de Pierre de Puiseaux.
Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, responsable de l’expédition, arrive en octobre. En raison de la menace iroquoise, il est confronté à une situation difficile.
Le Gouverneur tente de le dissuader d’aller s’établir à Montréal mais sa détermination reste entière et, le 8 mai 1642, Maisonneuve part avec son groupe s’installer dans « l’avant-poste le plus périlleux de la Nouvelle-France ». Il est accompagné du Gouverneur, de plusieurs missionnaires, de Pierre de Puiseaux, et… de Madeleine qui,encouragée par Jeanne Mance, envisage de réorienter sa fondation en faveur de Montréal .
Le 17 mai, l’expédition aborde sur l’Île, officiellement remise en possession de M. de Maisonneuve. A peine les cérémonies achevées, il faut songer au quotidien ; tout est à construire, cabanes, palissades de protection, édification d’un fort, qui dès le mois d’août, permet de repousser l’incursion d’une bande d’Agniers.
A l’entrée de l’hiver 1642-1643, la nouvelle colonie, « Ville-Marie », voit s’élever les premiers éléments du futur Hôtel-Dieu et des Hurons-Ouendats viennent y recevoir les soins dispensés par Jeanne Mance. Cependant, malgré l’arrivée de quelques soldats et de nouvelles recrues, forgerons, hommes du bâtiment .. l’insécurité demeure et aucun Amérindien ne séjourne plus à Ville-Marie lors de l’hiver 1643-1644.
Madeleine et Jeanne Mance envisagent alors une autre solution. Dans la région des Grands Lacs (Champlain, Ontario et Huron), il n’y a ni écoles, ni hôpitaux, pourquoi ne pas y aller ? Cet avis est partagé par Pierre de Puiseaux et, au printemps 1644, il retourne avec Madeleine à sa concession de l’anse Saint-Michel pour préparer une nouvelle expédition.
Elle met à profit son retour à Québec pour rencontrer les Ursulines qui viennent d’emménager dans leur monastère et, sur les conseils de Marie de l’Incarnation, se fait construire une demeure près du nouvel établissement.
Les préparatifs de départ vers le « Pays des Hurons » ne s’en poursuivent pas moins activement. Pierre de Puiseaux engage des accompagnateurs, prépare des canots, entasse des provisions, mais, pour les Autorités, un tel projet se révèle irréaliste en raison des risques encourus. En effet, les Iroquois ont repris le sentier de la guerre et sèment la terreur sur leur passage ; des missionnaires et des trappeurs sont capturés, torturés ou même brûlés vifs ! Dans de pareilles conditions, Madeleine se voit contrainte de renoncer, une position similaire est adoptée par Jeanne Mance. Finalement, Madeleine s’installe dans sa nouvelle demeure à Québec, avec Charlotte Barré.
Au seuil de 1645, la Colonie compte environ 600 habitants et, derrière leurs fortifications, Québec, Trois-Rivières, Ville-Marie, sont en mesure de faire face à la menace iroquoise .

Madame la Fondatrice entre au couvent, mais sans prononcer de vœux.

Des changements s’annoncent. Le 21 octobre 1646, Madeleine de la Peltrie et sa dame de compagnie décident d’entrer comme religieuses chez les Ursulines mais, le 8 septembre suivant, seule Charlotte Barré prend l’habit. « Madame la Fondatrice », n’étant plus décidée à prononcer des vœux, obtient néanmoins l’autorisation de rester dans la communauté en habit séculier sous réserve de suivre « les règles et de vivre en religieuse ». Ces conditions, l’amènent faire le don de sa maison à la communauté.
Son statut -exceptionnel- la dispense du vœu d’obéissance et lui permet de se déplacer à son gré. Elle n’en continue pas moins ses œuvres de charité, se charge de travaux modestes au monastère, s’occupe de la lingerie, assiste les malades, paie la pension de jeunes amérindiennes. Par contre, les registres de baptême de Québec montrent qu’elle n’a pas rompu contact avec les habitants de la cité.
Elle est ainsi concernée par les malheurs qui frappent la Colonie. A la fin de 1650, les Ouendats sont vaincus par les Iroquois sur les bords du lac Huron et nombre de survivants viennent chercher refuge à Québec où il faut leur venir en aide.
Cette même année, peu après Noël, le monastère des Ursulines est la proie des flammes. Les Autorités assurent la reconstruction d’un nouvel établissement dont Madeleine pose la première pierre, le 19 mai 1651. Ces travaux ont un coût élevé et elle ne peut y participer pleinement car elle consacre une partie de ses deniers à la construction d’un sanctuaire proche du monastère.

Par ailleurs, les années qui s’écoulent ont vu ou voient les structures de la Colonie évoluer

Certes, sur le plan ecclésiastique, le Canada est toujours placé sous la juridiction de l’archevêché de Rouen et le restera jusqu’à la création de l’Evêché de Québec, le 1er octobre 1674, mais, le 3 juin 1658, Monseigneur François de Montmorency-Laval est nommé évêque de Pétrée – diocèse disparu- avec mission « d’exercer les fonctions de vicaire apostolique au Canada ». Il arrive à Québec, le 19 juin 1659. Originaire de Montigny-sur-Avre, paroisse voisine du Perche, le prélat vient accompagné d’un jeune prêtre qui n’est autre que le neveu de Jean de Bernières, l’ancien « prétendant » de Madeleine : Henri de Bernières. Dans l’immédiat, faute de résidence disponible, les ecclésiastiques s’installent dans l’ancienne maison de Madame de La Peltrie .
1663 coïncide, pour sa part, avec la mise en place de structures administratives comparables à celles de la France. Un Intendant, Jean Talon, est nommé et la venue du fameux régiment de Carignan-Salières permet de repousser les Iroquois avec lesquels la paix est signée en 1667. Dans ce contexte, le chiffre de la population s’accroît : Québec atteint 1.500 âmes, Montréal : 500, Trois-Rivières : 400.
En 1671, Le Couvent des Ursulines ne compte pas moins de 25 religieuses qui se consacrent à l’éducation de jeunes filles de plus en plus nombreuses. Quant à « Madame le Fondatrice », sans avoir prononcé le moindre vœu, elle respecte scrupuleusement la règle de l’établissement et se fait remarquer par une discrétion et une générosité qui lui valent la sympathie de tous.
Mais, sa fin approche. Le 12 novembre 1671, elle est atteinte d’une forte pleurésie. L’Intendant Talon se déplace pour recevoir ses dernières volontés car elle entend qu’il y ait toujours des Amérindiennes dans l’établissement qu’elle a fondé et que la totalité des ses biens en France reviennent aux Ursulines de Québec. Pour exécuteur testamentaire, elle choisit l’évêque, François de Montmorency-Laval, et c’est Henri de Bernières qui lui administre les derniers sacrements. Elle s’éteint sept jours plus tard, à l’âge de 68 ans, dont 33 années passées au Canada.
Ses funérailles ont lieu le lendemain en présence des plus hautes autorités et au milieu d’une foule considérable dans laquelle on remarque de nombreux Amérindiens. Marie de l’Incarnation, première supérieure du Couvent, lui survit peu de temps puisqu’elle décède, le 30 avril 1672, à Québec. Toutes deux y reposent dans la chapelle des Ursulines où, dans une mezzanine située au dessus du tombeau en marbre noir de Marie de l’Incarrnation, les cendres de Madeleine de La Peltrie sont pieusement conservées dans un reliquaire.